Iva Tesorio et la poésie du souvenir

Une douceur rare et diffuse se dégage de ces traits de pinceaux particuliers. À l’ombre, des jeunes filles en fleurs qui côtoient des animaux paisibles et endormis. Sur ses tableaux, Iva Tesorio use d’un fond bleu, comme pour nous amener dans un grand rêve qui ne cesse uniquement quand nos yeux quittent son œuvre. Dans ce grand rêve bleu, des oiseaux s’envolent, des hommes et des femmes vagabondent à pas feutrés pendant que des enfants s’échappent. Le vent souffle.

Alors qu’ils arpentent la galerie, les visiteurs sont amenés à vivre un silence bruyant. Dans certaines toiles, le talent suggestif de l’artiste se révèle avec puissance. On devine des notes de musique qui ondoient ça et là, les aboiements joyeux des chiens qui suivent leurs maîtres et la musique confuse d’une nature palpable mais ambiguë. Iva Tesorio parvient à donner de la chaleur aux couleurs froides et révèle une expressivité riche.

À la vision de ces figures à l’air serein, un attendrissement s’empare de nous. Ce sentiment se mêle à la conscience intuitive que ces moments ont pris fin. On ne peut s’empêcher de penser à la madeleine de Proust, à cette émotion soudaine qui nous touche quand jaillit le souvenir. Iva Tesorio peint la vie quotidienne avec sobriété et sait donner une aura mystérieuse aux regards et aux mouvements. Dans une optique presque photographique, elle capture des instant éphémères. Mais l’imprécision de l’environnement des personnages de ses toiles nous ancre dans un souvenir, à la fois confus et précis, avec des images fortes. Iva Tesorio crée un monde intérieur où subsiste une réalité immatérielle. Aucune de ses figures n’est réelle et nous observons avec fascination ce monde inaccessible et vaporeux. Il arrive que ses modèles portent un masque. C’est une manière espiègle de nous rappeler que tout cet univers est onirique. 

En évoquant le temps qui passe et en figurant la mélancolie, Iva Tesorio nous rappelle les grandes vanités de la Renaissance. Dans “Le Bonheur est dans le prés”, l’herbe verdoyante ainsi que le ciel bleu, d’où semble presque surgir des papillons, nous rappellent la finitude de toute chose. L’artiste use d’une technique de superposition de couches de peinture. Assemblées, toutes ces couches uniques constituent une archive, un souvenir témoignant du travail passé.

L’œuvre d’Iva Tesorio est une exploration sensible du temps qui nous amène à nous questionner sur la fragilité de notre existence, mais c’est également un moyen de voguer vers une intimité paisible, un monde intérieur riche qui nous émeut.

Nora Djabbari